RDC-Rwanda : Les racines coloniales d'un conflit qui saigne l'Afrique
Alors que les tambours de guerre résonnent encore dans l'est de la République démocratique du Congo, un accord de paix signé le 4 décembre à Washington sous l'égide de Donald Trump peine à masquer les blessures profondes qui déchirent cette terre africaine. Car derrière les combats entre l'armée congolaise et les rebelles du M23, se cache une tragédie bien plus ancienne : celle des frontières coloniales qui ont brisé l'harmonie des peuples des Grands Lacs.
Quand les colons ont brisé l'unité des peuples
Avant que l'Europe ne découpe l'Afrique comme un gâteau lors de la conférence de Berlin en 1885, cette région vivait selon ses propres lois. "Les populations se déplaçaient à travers cet espace et s'installaient où elles trouvaient du pâturage pour le bétail ou des terres à cultiver", rappelle le professeur Jean Kambayi Bwatshia de l'Université Pédagogique Nationale de Kinshasa.
D'un trait de plume, les colonisateurs ont séparé des familles, créé des frontières artificielles qui coupent encore aujourd'hui les communautés de leurs racines. Ces "Congolais rwandophones", ces frères et sœurs parlant kinyarwanda, se sont retrouvés étrangers sur leurs propres terres ancestrales.
L'héritage empoisonné de la division ethnique
La manipulation coloniale a semé les graines de la discorde entre Hutus et Tutsis, transformant des différences sociales en antagonismes mortels. Les violences ethniques de 1959 à 1961 ont forcé des milliers de Tutsis à l'exil, créant un cycle de vengeance qui ensanglante encore la région.
Comme l'explique un rapport d'Interpeace de 2013, ces préjugés historiques sont aujourd'hui manipulés par des politiciens sans scrupules, créant une méfiance permanente entre les communautés. Une stratégie du chaos qui profite aux puissants au détriment des peuples.
Le pillage des richesses sous couvert de conflit
Car ne nous y trompons pas : derrière ces tensions ethniques se cache une réalité plus cruelle encore. La RDC, cette terre bénie aux richesses inouïes, voit ses minerais précieux, son coltan, son or, disparaître vers les pays voisins dans l'indifférence générale.
Les rapports de l'ONU dénoncent année après année ce pillage organisé. En 2020, le coltan congolais était le minéral le plus confisqué à la frontière rwandaise. Pendant que nos frères congolais meurent dans les mines, les multinationales technologiques s'enrichissent avec ces "minerais de sang".
L'État fantôme face aux groupes armés
Avec ses 2,3 millions de km², la RDC est un géant aux pieds d'argile. Kinshasa, à plus de 2000 kilomètres de l'est du pays, peine à faire entendre sa voix dans ces territoires abandonnés. Dans ce vide étatique, les groupes armés prospèrent : M23, FDLR, milices diverses qui prétendent défendre leurs communautés mais ne font qu'alimenter le chaos.
Ces frontières poreuses facilitent tous les trafics, tous les passages d'armes, toutes les interventions étrangères. Quand l'État se retire, ce sont les seigneurs de guerre qui imposent leur loi aux populations civiles.
Vers une réconciliation des peuples africains
L'accord signé à Washington, qualifié de "miracle" par Trump, ne peut être qu'un premier pas. Car la vraie paix ne viendra pas des chancelleries occidentales, mais de la réconciliation des peuples africains avec leur histoire et leurs terres.
Il faut briser le cycle de la manipulation ethnique, stopper le pillage des ressources, et redonner aux communautés locales le contrôle de leur destin. Les Congolais rwandophones ont le droit de vivre dignement sur leurs terres ancestrales, sans être montrés du doigt comme des étrangers.
Seule une approche respectueuse des identités locales, des écosystèmes et des droits des peuples pourra guérir ces blessures coloniales. Car l'Afrique des Grands Lacs mérite mieux que d'être le terrain de jeu des appétits extérieurs et des ambitions politiciennes.
La terre africaine appelle à l'unité, pas à la division. Il est temps d'écouter sa voix.